Michel Houellebecq

Le monde n’est pas un panorama

Comment réaliser la maison du prophète ? Comment mettre en scène la submersion apocalyptique de la ville futuriste ? Lancé dans l’adaptation au cinéma de son roman, La Possibilité d’une île, l’écrivain Michel Houellebecq fait une proposition à la fois très attendue et totalement surprenante à la Biennale de Lyon, où sont invités sous son égide des artistes qui ont œuvré à la réalisation de son film.

Et d’abord l’artiste allemande Rosemarie Trockel, pour la reconstitution de la maison du prophète : “Lors d’une visite touristique impromptue à Tautavel, dans les Pyrénées-Orientales, raconte Michel Houellebecq, j’avais été très impressionné par le musée de la préhistoire. Ce sont des vitrines, des dioramas, un peu comme au Museum d’histoire naturelle de New York, mais plongés dans la pénombre. J’en ai gardé un souvenir extraordinaire. Je suis donc retourné à Tautavel dans l’idée de concevoir la même chose, non pas avec des hommes ou des animaux préhistoriques, mais avec des contemporains. A la même époque, j’ai rencontré le commissaire d’exposition Hans-Ulrich Obrist à qui j’en ai parlé et qui a accepté de coproduire ces vitrines dans le cadre de la Biennale de Lyon. J’avais appris par ailleurs que Rosemarie Trockel avait une passion pour mon chien, Clément, qu’elle avait des photos de lui… Je lui ai proposé de réaliser une sculpture réaliste de mon chien, ainsi que d’autres personnages, un homme et une femme d’aujourd’hui assez âgés… Nous avons placé ces sculptures dans des vitrines, aux côtés d’animaux empaillés. Tout cela est censé être l’œuvre du prophète, exposée dans une salle où il tient ses discours auprès de ses adeptes.

De manière très évidente, commente Stéphanie Moisdon, les préoccupations de Michel Houellebecq croisaient les nôtres sur la question du temps, de l’anticipation et du présent, de l’écriture de l’histoire au présent. Pour la destruction de la ville futuriste, nous avons immédiatement pensé à l’architecte Rem Koolhaas et nous les avons fait se rencontrer. Pour expliquer son projet, Houellebecq a dit à Koolhaas cette phrase terminale : “Vous voyez, c’est comme si on faisait un rêve où Le Corbusier aurait gagné la partie.” Et Koolhaas de répondre : “Banco, c’est moi qui fais la séquence.” Faite en image de synthèse, cette courte séquence apocalyptique sera intégrée au film de Houellebecq, impatient : “Il m’a déjà envoyé ses premiers dessins mais il faut qu’il voie les images déjà tournées.

 

 

 

 

 

Jérôme Bel

The Show Must Go on

Avec The Show Must Go on, créé en 2001, le chorégraphe Jérôme Bel s’impose dans la décennie comme l’un des meilleurs porte-parole d’une danse contemporaine affranchie de toute virtuosité technique et attachée à remettre en cause, d’une manière à la fois radicale et jouissive, les codes et les conventions du spectacle vivant. Pour preuve, la base du Show est une compilation de hits mondiaux, des Beatles à Madonna, dont les titres et les paroles régissent le jeu des danseurs (Let’s Dance, I Like to Move It), l’éclairage du plateau (La Vie en rose, Yellow Submarine), jusqu’à l’extinction totale des lumières et du son avec The Sound of Silence de Simon & Garfunkel.

Et c’est précisément ce dispositif que Jérôme Bel va adapter au format de l’exposition, en le faisant glisser de l’espace scénique au contexte du musée. Tandis que le spectacle sera joué par les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon, faisant ainsi son entrée dans un temple de la musique classique, il fera aussi l’objet d’une version muséale.

Mais Jérôme Bel de préciser : “Il ne s’agit pas pour moi de devenir artiste, de faire de l’art contemporain. Je reste chorégraphe et mes interrogations restent celles du spectacle vivant et du performatif.The Show Must Go on était déjà très axé sur le spectateur, ce sera d’autant plus le cas ici qu’il n’y aura ni acteurs, ni scène mais des salles où le visiteur captera, par le biais d’un casque audio, les musiques de chacune des pièces : “C’est la meilleure façon de recréer au musée l’isolement du spectateur plongé dans la salle noire du spectacle.” L’ensemble aura deux versions, l’une française et l’autre pop.